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Danielle Darrieux (1960-2000)
Documents réunis par Feriel Gaye
Après une après-guerre très fructueuse, Darrieux entame la suite de sa carrière avec une renommée et une popularité immense. Âgée d’une quarantaine d’années, la petite ingénue des débuts est devenue un poids-lourd du cinéma français, une véritable référence.
Darrieux et la Nouvelle Vague
Au début des années 1960, en pleine période de Nouvelle Vague, elle apparaît en 1963 dans Landru de Claude Chabrol aux côtés de Charles Denner. Jacques Demy la dirige ensuite en 1967 dans la comédie musicale Les Demoiselles de Rochefort. Elle incarne, aux côtés de Catherine Deneuve et Françoise Dorléac, une quinquagénaire qui a perdu son grand amour, un homme nommé Simon Dame, répétant à qui veut l’entendre : « Je me serais appelée Madame Dame, j’aurais été ridicule ! ». Celle que Demy appelait son « Stradivarius » est la seule actrice à ne pas avoir été doublée dans le film, c’est elle qui chante tous ses numéros musicaux.
L’année d’après, elle tourne Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, de Dominique Delouche, jeune cinéaste prometteur. Dans cette adaptation du roman éponyme de Stefan Zweig, elle incarne une veuve qui s’éprend d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle et passionné par le jeu. Le film sort en 1968 : à cause des événements sociaux et politiques, le film passe un peu inaperçu et on lui reproche sa sophistication. Aujourd’hui, on remarque surtout sa mélancolie et l’omniprésence de la mort, avec les silhouettes de soldats partant pour la guerre. Face à un jeune joueur inguérissable qu’elle tente de sauver, Darrieux semble se faufiler d’une scène à l’autre, fragile et obstinée à la fois. Elle retrouvera Delouche en 1975, pour Divine, un film musical dans lequel elle incarne une star de cinéma dont un jeune homme tombe éperdument amoureux.
Fin de carrière prolifique
En 1982, Jacques Demy reprend le projet d’un film abandonné, intitulé Une chambre en ville. Danielle Darrieux contacte le réalisateur, intéressée par le rôle de la baronne Margot Langlois, initialement prévu pour Simone Signoret. Dans Nantes en grève, Edith (Dominique Sanda) rencontre un ouvrier métallurgiste (Richard Berry) : leur passion sera brève et fatale. A la fois candide, cynique, lucide et grotesque, Darrieux est le témoin de cette tragédie musicale qui, avec les années, compte de plus en plus de fans. Darrieux effectue son retour dans un drame social entièrement chanté (seule elle et Fabienne Guyon chantent avec leur propre voix), qui se solde par un succès critique mais un échec public.
Grand admirateur de l’actrice depuis son plus jeune âge, le cinéaste Paul Vecchiali raconte avoir vu très jeune une photo de Danielle Darrieux dans Mayerling et l’avoir tout de suite admirée. Il la célèbre, l’encense, lui écrit des projets magnifiques qui n’aboutiront pas, faute de moyens. Enfin, il la dirige dans En haut des marches où elle interprète… sa mère, revenue à Toulon, dans les années 60, pour y accomplir une vengeance et affronter les souvenirs liés à la mort de son mari, accusé de collaboration et assassiné à la Libération. Virtuosité technique, plans-séquences superbes, avec une Darrieux rêvée, qui marche dans les rues, un pistolet dans son sac.
André Téchiné réunira ensuite Catherine Deneuve et Danielle Darrieux dans Le Lieu du crime en 1986. Le réalisateur Benoît Jacquot lui donne le rôle d'une vieille excentrique qui veut venger la mort de son amie dans Corps et biens. Deux ans plus tard, en 1988, Claude Sautet en fait une directrice d’une chaîne de magasins, mère de Daniel Auteuil dans Quelques jours avec moi.
Danielle Darrieux redouble d’activité dans les années 2000, François Ozon lui fait tourner son 106e film, qui marque ses soixante-dix ans de carrière, et en fait l'une des suspectes de 8 Femmes. Il lui propose initialement de jouer la belle-mère de Charlotte Rampling dans Sous le sable. « Ah non, lui dit Darrieux, je refuse de jouer une vieille dame en chemise de nuit ne quittant plus son fauteuil. » Qu’à cela ne tienne : dans 8 femmes, elle campe une mamie avare, menteuse, faussement paralysée : elle est ravie. Ozon en fait une criminelle, meurtrière d’un mari à qui elle n’avait rien à reprocher, sinon de l’ennuyer intensément. Mère de Catherine Deneuve pour la troisième fois, et plus amorale que jamais, elle y chante, les larmes aux yeux, lors du dénouement, le poème d'Aragon mis en musique par Georges Brassens : « Il n'y a pas d'amour heureux ».
En 2006, Danielle Darrieux joue un premier rôle dans Nouvelle chance d'Anne Fontaine aux côtés d'Arielle Dombasle et à 90 ans, elle joue dans L'Heure zéro adaptation d’un roman d’Agatha Christie. En 2007, elle retrouve Catherine Deneuve pour le doublage du long-métrage d’animation Persépolis, réalisé par Marjane Satrapi et acclamé par la critique. En 2008, elle prévoit de remonter une dernière fois sur scène pour jouer La Maison du lac au côté de Jean Piat, mais une chute lors des dernières répétitions l'amène à renoncer à ce projet. En 2009, à 92 ans, elle accepte de tourner dans le film de Denys Granier-Deferre intitulé Une pièce montée au côté de Jean-Pierre Marielle.
Des écrans aux planches
Parallèlement à son impressionnante carrière au cinéma, Darrieux s’illustre également dans le théâtre, la télévision et la comédie musicale. Elle fait ses premiers pas sur les planches en 1937 dans Jeux dangereux d’Henri Decoin, puis joue plusieurs pièces au cours des deux décennies suivantes (Sérénade à trois de Noel Coward, Faisons un rêve de Sacha Guitry…). En 1963, Françoise Sagan (scénariste du Landru de Chabrol) lui offre un rôle en or dans la pièce La Robe mauve de Valentine, qui sera adaptée en téléfilm quelques années plus tard.
Après une brève carrière musicale à la fin des années 1970, Danielle Darrieux partage équitablement sa carrière entre théâtre, télévision et cinéma. Une de ses fiertés est d’avoir joué et chanté en anglais à Broadway en 1970, dans la comédie musicale Coco interprétant le rôle de Coco Chanel qu’avait créé son idole Katharine Hepburn.
Sur cette dernière, elle raconte : « […] Je reprenais le rôle de Coco Chanel, que Katharine Hepburn, mon idole, avait tenu durant sept mois […] C’est la seule personne à qui j’ai demandé un autographe. Je l’adorais. À mes yeux, il n’y avait personne de plus talentueux qu’elle. Dès mon arrivée à New York, elle a été adorable. Elle m’a emmenée dîner chez elle et m’a offert deux tailleurs Chanel. « Je ne m’habille jamais comme ça », m’a-t-elle expliqué. « Moi non plus ! », lui ai-je répondu. On était parfaites pour ce rôle toutes les deux ! ».
On la verra ensuite au théâtre dans Domino de Marcel Achard en 1970, ou Adorable Julia de Marc-Gilbert Sauvajon en 1987. En 1995, elle incarne une septuagénaire dans Harold et Maude. Elle apparaît aussi à la télévision dans un grand nombre de séries télévisées et de téléfilms, accroissant encore sa popularité. Elle incarne notamment au fil de six épisodes diffusés en 1979, Miss, une quinquagénaire veuve d’un commissaire de police qui devient elle aussi détective et tente de résoudre des affaires criminelles.
L’un de ses rôles les plus marquants au théâtre restera probablement celui de Mamie-Rose, dans la pièce Oscar et la Dame rose, adaptée en 2003 par Éric-Emmanuel Schmitt de son roman éponyme. A propos de Danielle Darrieux, il dira : « Parce qu’Oscar et la dame rose est un hymne à la vie, je l’ai dédié à Danielle Darrieux. Pétillante, malicieuse, caustique, rosse, naturelle, loin de tout pathétique, gourmande, lumineuse, pudique, elle est pour moi l’incarnation de ce que je voulais dire. A la fois la dame rose, cette visiteuse extravagante, ancienne catcheuse, qui n’a peur de rien, ni des gros mots, ni des coups, ni des discussions, elle sera aussi l’enfant plein de violence, de rage, de tendresse, car, chez elle, incroyablement, l’enfance est toujours là. Sans doute, l’enthousiasme, l’appétit, une capacité d’étonnement… » La pièce est un franc succès, et Darrieux, seule sur scène du début à la fin, est saluée par le public et les critiques. Elle recevra d’ailleurs le Molière de la meilleure comédienne en 2003 pour sa performance impressionnante.
Catherine Deneuve dira d’elle : « C'est la seule femme qui m'empêche d'avoir peur de vieillir. » Inspiration pour des générations d’actrices à venir, elle est l’une des rares à avoir traversé les décennies avec autant de succès, et à y avoir laissé une empreinte aussi forte. Véritable légende du cinéma, Danielle Darrieux, qui fête ses 100 ans le 1er mai 2017, est l’une des rares actrices à avoir une carrière d’une longévité et d’une diversité aussi exceptionnelle. Ingénue, femme forte, mère et vieille dame fascinante, elle a su traverser au cinéma tous les âges de sa vie avec la même légèreté qui a marqué les esprits depuis sa première apparition sur les écrans à 14 ans. Pionnière en matière d’initiales iconiques, DD a fait les beaux jours du cinéma français et continuera d’inspirer pendant de nombreuses années.
[Sources : Wikipédia, Le Monde, Le Figaro, Allociné]
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