Jean-Fernand Bédia, Jean-Francis Ekoungoun (dir.), Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, coll. « Eidôlon », 114, 2016.
Ce livre, consacré à l'oeuvre d'Ahmadou Kourouma, prend pour thème majeur la géopolitique, sorte de téléologie cristallisant la carrière de l’écrivain, dont l’« essentiel », pour lui, semble avoir été éludé au profit d’une approche longtemps fascinée par sa créativité formelle et linguistique. Derrière cet horizon d’attente, se forme un magma d’idées et de paradigmes éculés, comme le rapport du romancier ivoirien à la langue du colonisateur et son aversion pour les régimes dictatoriaux africains. Pareille lecture, au contraire de toutes les gloses élogieuses à l’égard d’Ahmadou Kourouma, fait courir le risque de la marginalisation dans l’histoire des idées à la critique consacrée à l’ensemble de ses romans.
Questionner l’oeuvre sous le prisme de la géopolitique et de la question postcoloniale permet de la saisir, tout comme son auteur, loin des fantasmes dominants d’une herméneutique qui s’est fossilisée, au fil du temps, dans des grilles de lecture qui ont parfois donné l’impression, même à Kourouma de son vivant, de se trouver devant une impasse.