Daglind Sonolet, Günther Anders, Phénoménologue de la technique,Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux,2006
Günther Anders (1902-1992) est l’un des grands penseurs de la modernité technique, qu’il perçoit comme la source des catastrophes du 20e siècle. Selon lui, les guerres mondiales, la Shoah, les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, la menace nucléaire, l’emprise des médias témoignent du déséquilibre entre la capacité d’inventer qui caractérise l’homme et son incapacité à seulement se représenter les conséquences de ses productions. Alors que l’œuvre maîtresse d’Anders, L’obsolescence de l’homme, est désormais disponible en français, l’auteur présente les grandes lignes d’une pensée qui rejette le système pour être philosophie de circonstance, phénoménologie pratique, cherchant à se réaliser dans des analyses ponctuelles – sur la bombe, sur les médias – et par des engagements concrets, notamment dans le mouvement antinucléaire international. Les engagements de Günther Anders lui ont fait rencontrer en RFA l’opposition extra-parlementaire. L’ouvrage restitue la réflexion andersienne par rapport à celle d’auteurs contemporains soulevant les mêmes problèmes : Simmel, Heidegger, Jaspers, Adorno, Marcuse, Arendt, Jonas. Elle retrace notamment la tentative du philosophe pour donner un fondement éthique à la pensée existentiale de Heidegger, son maître à penser. Tout en proposant une analyse des contradictions que produit une perspective rigoureusement antimoderne et antioccidentale, caractéristique de laKulturkritik, l’auteur n’est pas insensible au diagnostic implacable du grand moraliste "anti-annihiliste”, à l’appel de l’humaniste désespéré à penser le pire.