Conférence de Maurice Fréchuret
Lundi 11 décembre, de 10h30 à 12h30, Auditorium de la Maison des Etudiants
Effacer est un geste par lequel on tente de supprimer une erreur, de corriger ce qui n’est pas conforme à ses propres attentes ou à celles des autres. Dans le domaine artistique, ce geste, assez courant, s’appelle un repentir et témoigne de la méprise ou de la maladresse. Dans d’autres domaines – en particulier dans le champ politique – effacer est synonyme de falsification, de mensonge, de réécriture de l’histoire. Ainsi, la disparition des photographies officielles de certains dignitaires du régime nazi trouve son pendant dans les clichés de la propagande soviétique ou maoïste sur lesquels, de la même façon, étaient gommés ceux tombés en disgrâce. Dans tous les cas, le geste d’effacer présente toujours une lourde charge négative.
Le rendre positif, lui conférer une valeur véritablement créatrice, telle est l’option prise par les artistes de notre époque. Le geste historique de Robert Rauschenberg effaçant, en 1953, un dessin de Willem De Kooning, les propositions exemplaires de Marcel Broodthaers, Claudio Parmiggiani, Roman Opalka, Gerhard Richter croisent, celles plus récentes d'Hiroshi Sugimoto, d'Ann Hamilton, de Jochen Gerz, de Felix Gonzalez-Torres mais aussi celles des artistes de la génération actuelle comme Zhang Huan ou Estefanía Peñafiel Loaiza... En pratiquant l'effacement, c'est-à-dire en travaillant à rebours, tous ont su enrichir exemplairement la création artistique.
Maurice Fréchuret a été conservateur au musée d'Art moderne de Saint-Etienne de 1986 à 1993, puis conservateur du musée Picasso à Antibes de 1993 à 2001 et directeur du capcMmusée d'art contemporain de Bordeaux de 2001 à 2006. Il est nommé conservateur des musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes (2006-2014). Parallèlement à son travail de conservateur, de commissaire d'expositions et d'enseignant, il a publié de nombreux ouvrages dont : Le Mou et ses formes (éditions ENSBA, 1993, Jacqueline Chambon, 2004) ; La Machine à peindre (Jacqueline Chambon, 1994) ; L'Envolée, L'enfouissement (Skira, RMN,1995) ; L'art médecine (en collaboration avec Thierry Davila, RMN, 2000) ; Les Années 70, l'art en cause (RMN, 2002) ; Exils (en collaboration avec Laurence Bertrand-Dorléac, RMN, 2012). Son dernier ouvrage Effacer, paradoxe d’un geste artistique, publié aux Presses du réel a reçu le Prix Pierre Daix 2016.
[Image : Claudio Parmiggiani, Untitled, 2008, série Delocazione]
Rencontre organisée par Marie Escorne