Christine Mondon, Écritures romanesques et philosophie : Hermann Broch, Hermann Hesse, Thomas Mann, Robert Musil, Pessac, Presses Universitaires, Bordeaux, 2011.

 

6 Ecriture romanesque et philosophie

 

Comment pense la littérature ? Et plus précisément encore : Comment pense le roman? De nombreux romans se tiennent en effet à la frontière entre littérature et philosophie: le « roman-essai », le roman polyphonique et le roman totalisant.
Les Somnambules de Hermann Broch et L'Homme sans qualités de Robert Musil s'inscrivent dans cette « indéfinissabilité » que l’on reconnaît au roman-essai. Les rapports du roman et de la philosophie sont dans ces œuvres des rapports tendus : la philosophie se sert de la fiction romanesque (Broch) ; à l’inverse, le roman polémique avec une certaine philosophie qu’il incarne à travers les personnages (Musil). Empruntant à la musique une structure polyphonique, les romans de Thomas Mann La Montagne magique et le Docteur Faustus dispensent un enseignement philosophique non de manière abstraite, mais sous la forme d’un jeu esthétique, narratif, par le rattachement de l’ironie et de la parodie. Le roman totalisant rend compte finalement des limites fragiles qui séparent le philosophique du littéraire, à partir du moment où la littérature se définit comme un absolu qui englobe la philosophie, mais aussi tous les champs du savoir. Le Jeu des Perles de Verre de Hermann Hesse et La Mort de Virgile de Hermann Broch manifestent une ambition totalisante dont la réalisation ne peut être que de l’ordre de l’utopique (Hesse) ou de l’indicible (Broch). Tous ces romans entrecroisent deux regards, regard de la philosophie sur le roman et regard du roman sur la philosophie. 

 

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