Orient OCCIDENT PF « Orient/Occident : Représentations croisées » 

Colloque international 2 et 3 avril 2015

 Faculté des lettres de  l’université Cadi Ayyad de Marrakech, Maroc

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COLLOQUE INTERNATIONAL CELFA/TELEM

Argument

Cette manifestation, qui sera co-organisée par le Laboratoire Culture, Patrimoine et Tourisme Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Marrakech, Le CELFA/CLARE et TELEM, Université de Bordeaux-Montaigne, fera suite à un premier colloque organisé le 21-22 novembre 2013 par l’équipe TELEM/Bordeaux-Montaigne à la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine. Elle prolongera les réflexions et les discussions ainsi engagées autour de l’altérité et ses représentations dans le monde arabo-musulman.

Depuis les années 1970, le concept d’« orientalisme », théorisé par Edward Said, a beaucoup servi comme paradigme opératoire pour étudier l’altérité arabo-musulmane. La thèse développée dans le livre manifeste Orientalism (1978) postule qu’au-delà de l’acception classique d’un Orientalisme « universitaire » en tant que domaine d’érudition dont le champ d’investigation est l’Orient, ce domaine s'avère être « un style occidental de domination, de restructuration et d’autorité sur l’Orient »[1]. S’inspirant des théories foucaldiennes sur le discours et le savoir-pouvoir, Said considère l’Orientalisme comme un discours produit d’un point de vue politique, sociologique, militaire, idéologique, et imaginaire autant que scientifique, donnant lieu à un savoir orientaliste producteur de représentations négatives sur un Orient imaginaire créé par l’Occident.

Si la thèse d’Edward Said a eu plus d’audience que d’autres essais du même ordre[2], c’est parce qu’en plus des raisons d’ordres politique, scientifique et institutionnelle inhérentes au contexte américain, ce dernier a englobé dans le concept d’« orientalisme » différents champs disciplinaires allant de la politique à l’anthropologie tout en donnant une place importante à la critique littéraire et la critique d’art. L’autre apport essentiel de la théorie saidienne réside dans le fait d’avoir relié l’analyse historique des situations coloniales à la notion plus large d’« empire ». L’universitaire américain d’origine palestinienne a fait du colonialisme un paradigme théorique et heuristique, une forme globale de pensée, qui dépasse largement l'ordre politique lié à la période historique du colonialisme.

« Depuis L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident (traduit en français en 1980), écrit Yves Gounin, […] aucune aire culturelle ne peut désormais être appréhendée sans s’interroger sur la manière dont les discours et les fantasmes européens l’ont façonné »[3]. Plus encore, certains chercheurs comme Thomas Brisson considèrent que « L’Orientalisme (1978) d’Edward Said est […] unanimement considéré comme le moment fondateur d’une prise de parole des intellectuels arabes (mais aussi indiens, asiatiques ou africains) au sein des champs de savoir occidentaux»[4].

Dans un récent ouvrage intitulé Après l’orientalisme. L’Orient créé par l’Orient, Jean Claude Vatin fait le constat suivant : « Nous sommes, en principe, au-delà de l’orientalisme, mais nous n’en finissons pas de payer le passif de sa succession […]. Depuis deux décennies, on a l’impression de piétiner dans l’après-saidisme. Impression fausse si l’on juge par une vaste littérature touchant les études postcoloniales… »[5]

Cette remarque est doublement pertinente. En effet, la thèse saidienne continue, encore aujourd’hui, à alimenter les débats, surtout avec les récents événements politiques qui ont mis d'une manière brutale et surprenante[6] l’Orient sur le devant de la scène mondiale, poussant certains chercheurs à qualifier l’attitude occidentale, surtout américaine, à l’encontre du monde arabo-musulman, de néoorientalisme, qui serait le visage moderne voire post-moderne de l’ancien orientalisme. De plus, on remarque depuis quelques décennies, surtout dans le monde anglo-saxon, l’émergence d’un nouveau champ de recherche, celui des études postcoloniales, dont L’Orientalisme serait une pièce fondatrice.

Néanmoins, s’ils reconnaissent le rôle primordial joué par l’œuvre d’E. Said dans la genèse des études postcoloniales, certains théoriciens à l’image d’Homi Bhabha, contestent une partie de l’analyse saidienne en remettant en cause l’« essentialisation anhistorique » qui consisterait à confondre le discours universitaire et la prise de position militante ainsi que les oppositions binaires et les modes de représentations déterministes et fonctionnalistes. L’opposition frontale entre l’Orient et l’Occident, entre « Nous » et les « Autres », se trouve alors nuancée par l’introduction de concepts tels que l’« hybridité », «l’ ambivalence » «le  processus de subjectivation », « la créolisation »… qui sont mis en avant pour reconsidérer des identités longtemps données pour figées et déterminées par une instance hégémonique. Ces « nouvelles identités » à déterminer se situeraient dans des espaces interstitiels, d’entre-deux, qu’Homi Bhabha définit comme des « terrains d'élaboration des stratégies du soi »[7].

Comme lors de la précédente session, nous continuerons dans nos travaux à interroger les représentations, « ces formes de l’économie humaine, nécessaires pour la vie en société et entre les sociétés »[8], que se fit l’Orient arabe de l’Occident.

Toutefois, si nous avions dans notre premier colloque privilégié la parole « locale », celle de la périphérie, en réservant une place de choix aux communications qui mettaient en exergue la voix des Orientaux à travers différentes époques et à partir de multiples lieux, nous avons décidé lors de cette nouvelle session d’élargir le champ d’études et d’échanges en donnant la parole aussi à l’Autre, l’Occidental, afin d’enrichir nos débats, de multiplier les points de vues et les approches scientifiques. C’est de cette manière que nous croyons possible un échange fructueux et un débat fécond. C’est pourquoi nous parlons de croiser les « regards », parce que, comme le dit Hegel, c’est à travers cet acte du regard que les êtres doués de conscience sont en relation et que se révèle l’existence de l’Autre.

Nous nous y emploierons donc lors de cette nouvelle session en questionnant, à la lumière des récents changements, politiques, économiques et épistémologiques qui ont affecté le monde moderne et qui continuent de modeler notre réalité contemporaine, les nouvelles représentations véhiculées dans le monde des lettres et des arts orientaux et occidentaux.

 

Certains chercheurs arabes reprochèrent à Edward Said d’avoir sciemment « orientalisé les Orientaux » en occultant toutes les tentatives et essais d’intellectuels arabes pour contester l’hégémonie occidentale. N’y a-t-il pas eu de voix arabes qui se sont élevées pour contester voire déconstruire l’image qu’on se faisait d’eux ? La production littéraire et artistique moderne et contemporaine arabe ne recèle-elle pas de traces de cette remise en question, ne véhicule-t-elle pas de nouvelles représentations ignorées par l’Autre ?

Par ailleurs, en Occident, est-il vrai que toute la production culturelle depuis le XIXe  siècle est marquée par le sceau indélébile du colonialisme ? N’y aurait-il pas de voix dissonantes ? Est-il vrai que la littérature et les arts occidentaux n’ont véhiculé que des représentations négatives d’un Orient fantasmé, craint, puis érigé en ennemi à abattre ?

Qu’en est-il aussi de ceux qui évoluent dans l’entre-deux, qui se déplacent d’un bord à l’autre, ou qui ne revendiquent aucune appartenance ?

Voilà quelques unes des questions, parmi d’autres, qui motivent et animeront ce colloque dans lequel deux grands axes seront privilégiés :

- Le premier portera sur la littérature, arabe ou occidentale, arabe ou francophone, moderne ou contemporaine. Les communications pourront porter sur l’analyse textuelle, la critique littéraire, l’histoire littéraire ou sur les théories critiques ou littéraires ayant pour objet d’étude l’altérité.

- Le deuxième axe portera sur les Arts, arabes ou occidentaux modernes ou contemporains. Par arts, nous ciblons tous les genres artistiques : arts du spectacle, arts visuels, arts cinématographiques, arts plastiques…

 

Modalités de participation

Les propositions de communication (titre, résumé en français de 2000 signes), ainsi qu’une brève notice biobibliographique (nom, prénom, affiliation, courriel, intérêts de recherche, titres de publications) seront à envoyer par mail en format.doc ou. pdf jusqu’au 15 décembre 2014, à l’adresse suivante : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Après sélection du comité scientifique les candidats recevront une notification avant le 15 janvier 2015.

Pour les propositions retenues, une version préliminaire des communications (30 000 signes) est à envoyer avant le 15 mars 2015.

Les  interventions qui seront sélectionnées par le comité scientifique feront l’objet d’un volume à paraître en 2016.

L'inscription au colloque est gratuite. Le comité d’organisation prendra en charge deux déjeuners (2-3 avril) et un dîner (2 avril). Les frais de transport, d’hébergement sont à la charge des participants. Les organisateurs et mettront à la disposition des participants des offres d’hébergement pour la période du déroulement du colloque (possibilité de réservation de logements universitaires).

 

Comité scientifique :

Reina Abed,
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université libanaise

Khadija Alaoui-Youssoufi, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Michel Ballard, Université de l’Artois

Ayoub Bouhouhou, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Jacqueline Chabbi, Université de Paris-VIII

Laurence Denooz, Professeur, Université de Lorraine /Université libre de Bruxelles 

Jean-Michel Devesa, Université Bordeaux-Montaigne

Eddy Dufourmont, Université Bordeaux-Montaigne

Boutros El-Hayek, Université Lille-3

Gonzalo Fernández Parrilla,  Universidad Autónoma de Madrid

Omar Fertat, Université Bordeaux-Montaigne

Touriya Fili-Tullon, Université Lumière-Lyon 2

Saïd Hammoud, Université Bordeaux-Montaigne

Stéphane Hirschi, Université de Valenciennes

Mohamed Jouway, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Pierre Katuscweski, Université Bordeaux-Montaigne

Mustapha Laarissa, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Claude Lefébure, EHESS, Paris

Martine Mathieu-Job, Université Bordeaux-Montaigne

Mohamed Martah, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Jean Peeters, Université de Lorient

Abdelhaï Sadiq, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Ouidad Tebbâa, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Mourad Yelles, INALCO

 

Comité d’organisation :

Mostapha Boudjafad, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Hanane Essaydi, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Omar Fertat, Université Bordeaux-Montaigne

Saïd Hammoud, Université Bordeaux-Montaigne

Abdelhaï Sadiq, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

Ouidad Tebbâa, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech

 

Responsables :

Omar Fertat, Université Bordeaux-Montaigne

Abdelhaï Sadiq, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université Cadi Ayyad, Marrakech


[1] Edward, Said, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, édition Le Seuil, Paris, 1997.

[2] Nous pensons par exemple à « L’Orientalisme en crise », par le sociologue marxiste égyptien Anouar Abdel Malek, est de 1963

[3] Yves Gounin, « Que faire des postcolonial studies ? », La Revue internationale et stratégique, n° 71, 2008, p. 71.

[4]Thomas Brisson, « La critique arabe de l’orientalisme en France et aux États-unis Lieux, temporalités et modalités d’une relecture », Revue d'anthropologie des connaissances, 2008, (Vol. 2, n° 3), p. 505-521.

[5]POUILLON François et VATIN Jean-Claude (éd.), Après l’orientalisme. L’Orient créé par l’Orient, Karthala, 2011.

[6]Si l’on pense par exemple aux printemps arabes.

[7] Homi K. Bhabha, Les Lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Paris, Payot, 2007 (1re éd. The Location of Culture, Routledge, 1994).

[8] Edward Said, Dans l'ombre de l'Occident, et autres propos. Suivi de Les Arabes peuvent-ils parler ?, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2014.